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La marche au solaire


Illustration : un parc photovoltaïque à Latieule (Lozère) en lieu et place de 19 hectares de forêt.


La course au solaire est devenu un problème en France. 

 

Parfois les contempteurs (à raison) de l’éolien sont portés à porter un regard plus indulgent sur le photovoltaïque. Il est vrai que celui-ci est moins invasif, tant par son rapport d’échelle (maximum 3 m de hauteur) que par ses nuisances sonores (inexistantes) ou visuelles (pas d’effet stroboscopique).

 

Pourtant, selon un avis du 19 juin 2024 émis par le très sérieux et compétent Conseil National de Protection de la Nature (CNPN)le photovoltaïque industriel est un danger pour la biodiversité, car en détruisant les écosystèmes préexistants, les centrales photovoltaïques ont pour effets :

 • une perte d’habitat de nidification et d’alimentation pour les oiseaux

 • la disparition d’arbres utilisés par les chauves-souris pour se reproduire, hiberner ou chasser

 • un appauvrissement de la flore ‒ tant en quantité qu’en diversité ‒ et des insectes pollinisateurs qui y sont associés,

 • la mortalité de la petite faune qui s’y trouve lors des travaux, en particulier les reptiles et les amphibiens en phase terrestre

 • la constitution de pièges pour les insectes polarotactiques

 • parfois aussi des collisions avec les oiseaux et les chiroptères,

 • des ruptures de continuités écologiques pour les mammifères, du fait des clôtures de protection.

 

Le CNPN formule alors 21 recommandations dont la première et d’urgence est de « mettre un terme à l’implantation de centrales photovoltaïques au sol dans les aires protégées et les espaces semi-naturels, naturels et forestiers »... Du bons sens.

Il esquisse ensuite un plan de développement organisé et rationnel du photovoltaïque en France qui pourrait respecter l'environnement et de la biodiversité. Spécifiquement sur l'agrivoltaïsme, il demande qu'on s'assure que « les projets ne se fassent pas au détriment d’une agriculture agro- écologique diversifiée ni au détriment de la biodiversité sauvage ».

 

Il recommande en tout état de cause qu’une priorité soit donnée au photovoltaïque en zones déjà artificialisées, en particulier sur les bâtiments et les parkings ET près des zones densément peuplées afin de rapprocher zones de production et zones de consommation, et d'éviter ainsi la multiplication coûteuse des raccordements et renforcements de réseaux. Ici encore, rien que du bon sens, de nature à responsabiliser les habitants des villes en les amenant à produire une partie de l’énergie dont ils ont besoin.

 

Au plan " technique ", il propose que les installations au sol à venir soient soumises à la réglementation des Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE) compte tenu de leurs impacts sur la nature, ainsi qu’à la législation sur la dérogation espèces protégées en raison de la modification significative des conditions d’habitats pour les espèces protégées qu'elles induisent. 

 

On le voit bien, l'avenir du photovoltaïque ce sont :

 

1. le solaire sur toiture :

 

Des projets, essentiellement privés, qui en France ont un potentiel supérieur à 100 GW :

* thermique pour l'eau chaude sanitaire et le chauffage

* électricité, idéalement en autoconsommation

 

2. les sols déjà artificialisés :


Ils ont un potentiel de 49 GW selon l'ADEME dans son recensement de 2019 :

 * les friches industrielles et commerciales : compte tenu des coûts élevés de leur dépollution, on peut raisonnablement considérer qu'elles peuvent être utilisées pour de la production solaire

 * les délaissés routiers et ferroviaires : terres hyper-tassées, bétonnées ou bitumées, ici encore, on peut les utiliser pour de la production solaire.

 

3. les ombrières de parkings : 4 GW selon l'ADEME

 

On observera que ces 100 + 49 + 4 : 153 GW sont très au-dessus de l'objectif affiché à Belfort le 10 février 2022 par le Président de la République : 100 GW en 2050. 


La frénésie actuelle des opérateurs est donc totalement non proportionnée à la réalité des objectifs officiels.



Ce que propose le MEI :

 

1. appliquer les recommandations du CNPN

2. encourager un investissement régulier et durable dans la renaturalisation des carrières abandonnées, et en particulier aider les départements à y créer des espaces naturels sensibles.

3. officialiser des objectifs chiffrés raisonnables dans la PPE

 

Vous avez dit " décarboner " ?

 

Le solaire ne décarbone pas autant que ce que l'on croit généralement, sauf lorsqu'il se substitue à une source fossile telle qu'une chaudière à fuel ou même à gaz.

 

Ce pour trois raisons superbement décrites par Jean-Marc Jancovici (à écouter ici).

 

 - le Photovoltaïque est à 40-45 g eq. CO2 par KWh, à comparer au nucléaire 4 à 6 g, l'hydrauliques 10 g et même l'éolien à 12-15 g

 - sous le vecteur électrique il est intermittent, et nécessite un complément qui le plus souvent est du gaz à 418 g. Sous le vecteur thermique par contre, la chaleur fabriquée peut être stockée.

 - les panneaux sont désormais quasi-tous fabriqués en Chine, puis transportés par voie maritime, ce qui augmente considérablement son empreinte carbone.

Ainsi, la marche forcée au solaire est une hérésie au plan environnemental et protection de la nature, et cela ne décarbone pas tant que cela notre pays. Il est temps de se calmer.

Bruno Ladsous




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